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    Je ne vais pas utiliser la formule inusable qui consiste à affubler du mot « culture » un courant musical, même si dans la musique populaire de masse un style musical vous sera livré avec une panoplie complète : une manière de danser de s’habiller et de penser… (« pensée » dont la quintessence est le slogan). La new beat n’y échappe pas au fur et à mesure qu’il était plus reconnu ce courant musical et ses adeptes se devaient d’être plus en plus reconnaissables.

    Jouer avec les identités/playing with identities/jugar con las identidades/mit Identitäten spielen/spelen met identiteiten/

    Tout cela ne fait pas vraiment une culture. Mais selon moi un élément plus profond qui perdure aujourd’hui, qui était là bien sûr avant la new beat, mais auquel la new beat a donné son heure de gloire c'est : l’anonymat (donner son heure de gloire à l'anonymat bel oxymoron !) . Anonymat pratiqué intensément par l’utilisation de pseudos sans cesse différents à chaque sortie d’un nouveau titre.

    Trois raisons à cela chez les artistes qui utilisaient ce "stratagème":

    -         -ne pas se compromettre dans un mouvement musical dont la vague pouvait être sans lendemain  et récupérer sa part du gâteau

    -        - l’attrait de la nouveauté : lorsque vous « dénichez » le premier titre d’un groupe c'est le titre et le groupe qui sont nouveaux

    -          -masquer sa nationalité laisser penser que l’artiste est anglais  facilitait les ventes  jusqu’à ce que avec la new beat la tendance se renverse : « Un an avant si tu imprimais "Made in Belgium" sur la couverture du disque cela pouvait en faire un invendu. Maintenant Jive records me demande si c’est ok pour l’imprimer en couverture ! »(Traduction personnelle de l’article du New Musical Express du 3 décembre 1988 : « New beat : one nation under a (slowed down) groove ». de Richard Noise).

     

    C’est ainsi que parodiant les prolifiques producteur de Hi-NRG, Stock, Aitken & Waterman dans les années 1980, le trio Morton Sherman et Belluci passa maître dans cette pratique. D’ailleurs celui qui connaîtra leurs 99 identités entrera au paradis de la new beat.

    En voici quelques uns :

    Balearic Beach, Beat Professor, Berliner Meisterschaft, Boys & Girls At The University, Bulgarka, Chinese Ways, Danse Macabre, Ei Mori, Explorers Of The Nile, Freak Brothers, Fruit Of Life, J.E.T., Kings Of Agreppo, Mission Impossible, Morton Sherman Bellucci, Mr. Horse, New Beat Generation, New Beat Sensation, Opium Monks, Probably The Best Band In The World, Secrets Of China, Super Nova, Taste Of Sugar, The Acid Kids, The Airplane Crashers, The Brotherhood Of Sleep, The Brothers (4), The Crumbsuckers, The Hippies On LSD, The Moneymakers, The Techno Bastards, The Vacuum Cleaners, TNT Clan, Trio Balkana.

    A ce jeu du pseudo, ajoutons les chanteurs factices "donneur de look" le temps d’un clip à côté desquels Plastic Bertrand n’était qu’un pâle précurseur.

     

    Ainsi cette technique de segmentation en autant de part de marchés qu’il y a de public à séduire, maîtrisée avec un cynisme aguerri par le marketing musical passa, pour un temps entre les mains, d’un courant underground (qui n’allait pas le rester bien longtemps).

    Simple coïncidence ?  c’est au moment du basculement du vinyle vers le numérique (en 1988  les ventes de CD dépassent celles des disques vinyl ) que la new beat s’impose.

    Je crois que c'est un élément fondamental  des cultures numériques et électroniques et en particulier ce que m’a appris la new beat : le goût de jouer avec les identités. Plus particulièrement dans la new beat, le jeu autour des identités démultipliées et comme point de passage d’une nation à l’autre parce que c’est une musique européenne multilingues (avec des paroles minimales certes) dont la Belgique fut la plaque tournante. Et l'on peut faire le parallèle avec la technique du sample qui démultiplie  les références et les points de passage d’un morceau à l’autre.

    A l’heure de l'expansion du  numérique ce jeu avec les identités n’est plus seulement un amusement en option il est plus que jamais nécessaire pour chaque citoyen. Il ne s'agit pas de se jouer des majors ou d’un public épris de nouveauté qui se laisse tromper avec délectation mais de protéger ses données personnelles qu’une économie numérique avide  extorque sans relâche.

    Il faut que nous puissions continuer à jouer avec les identités numérique que nous soyons artiste et/ou auditeur et/ou clubber voire les trois ou plus en même temps.

    Du coup pour conclure je me dois de mentionner le projet de l’association Framasoft qui développe des projets alternatifs aux géants du net voleurs de données. Pour l’heure c’est le projet Mobilizon  qui permettra la création d’évènements (en remplacement de la création d’évènements sur un réseau social sinistrement connu  qui ambitionne de devenir banquier en lançant sa monnaie) pour lequel l’association lance un appel aux dons.

    « Dans l’idéal, Mobilizon permet à chaque compte de se créer plusieurs identités pour cloisonner ses groupes et ses activités comme on le désire ». (Framasoft)

    Soutenez le projet :

    Mobilizon

     PLaylist :


     






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